Chris WATSON


Chris Watson est aujourd’hui reconnu comme une des figures les plus importantes du field-recording. Ses travaux réalisés pour les émissions d’histoire naturelle de la BBC, notamment la série « Life of… » de David Attenborough, lui ont valu les éloges de toute la profession. Sa passion pour les environnements hors du commun, son talent à découvrir des paysages sonores inédits, et sa capacité à les fixer sur bande, sa connaissance de la faune la plus étrange, l’ont amené à participer à un grand nombre de tournages à travers le monde, dont il a rapporté des documents sonores exceptionnels. Les choses auraient pu en rester là, et les justes récompenses auraient continué à couronner avec régularité la carrière d’un technicien hors pair, d’un excellent artisan.

Mais Chris Watson franchira un nouveau cap en publiant en 1996 son premier disque, Stepping Into The Dark, sur le label anglais Touch. Ce label s’est imposé dès sa création comme une cheville ouvrière des bouleversements musicaux de la fin des années 1980, bouleversements dont il sera à la fois témoin et acteur. Alternant dans ses parutions musique expérimentale et documents sonores, le label jouera un rôle primordial dans une nouvelle définition de la musique comme recherche sonore, empruntant des éléments à la fois à la musique électronique et à la musique concrète. Il fut parmi les premiers à mettre sur un pied d’égalité la musique traditionnelle, la musique expérimentale, le field-recording et les documents sonores, qui seront dès les premières compilations associés et traités avec la même approche, sans justification ou commentaire, brouillant la distinction ordinaire entre musique et objet sonore brut. Ce disque n’était pas, loin de là, les premiers pas de Chris Watson dans le monde de la musique. Il avait été dans une autre vie un membre fondateur du groupe Cabaret Voltaire, groupe crucial du Sheffield des années 1970, et avait déjà abordé une forme de musique concrète avec le Hafler Trio, le duo qu’il formera ensuite avec Andrew McKenzie. C’est au travers de ses deux formations qu’il développera une fascination pour le son, et surtout pour la captation et l’enregistrement, qui deviendront sa passion et sa profession lorsque, lassé de la musique, il deviendra « chasseur de sons » pour la Royal Society for the Protection of Birds.

Chris Watson a jusqu’ici publié trois disques, toujours chez Touch, utilisant ses archives personnelles, collectées en marge de ses travaux officiels. Le premier était consacré à des lieux aux acoustiques exceptionnelles : jungle du Costa Rica, forêt d’Écosse, clocher d’église du Northumberland, berges de la rivière Mara au Kenya, etc. Le second reprenait quelques-uns de ses documents animaliers ; léopards, hippopotames et vautours y tenaient les premiers rôles. Ce troisième album, Weather Report, se concentre sur trois lieux : la rivière Mara à nouveau, une montagne des Highlands écossais, et le Nord de l’Islande. Chacun de ces lieux est envisagé, cette fois, dans la durée, et c’est une tranche de vie qui en est ici proposée. Watson passe avec ce disque du close-up au plan d’ensemble. C’est l’entièreté du paysage qui est cette fois le sujet, sa nature, sa faune, et les éléments qui les dominent. Ce genre de démarche a bien sûr des antécédents dans l’écologie acoustique et a déjà une longue discographie derrière elle. Malheureusement, une grande partie de celle-ci s’intéresse quasi exclusivement à l’aspect paisible de la nature, y cherchant quiétude et sérénité et y trouvant un apaisement new age. La nature de Chris Watson est, elle, considérée dans toute la gamme de ses possibilités, depuis la plus grande douceur jusqu’à la violence et la cruauté. Elle se révèle capable des plus grandes frénésies et des exaltations les plus tonitruantes. On quitte alors l’évocation bucolique et ses charmants ruisselets pour pénétrer dans un univers de bruit et de fureur.

Ce qui distingue également Chris Watson d’autres preneurs de sons comme Douglas Quin (réalisateur du disque Antarctica) ou Charles M. Bogart (réalisateur de l’excellent Sounds of North American Frogs), qui eux, ont également cette fibre bruitiste, est peut-être la mise en scène qu’il réalise, a posteriori, autour de certaines scènes. Si l’album Stepping Into The Dark insistait sur l’absence de montage, présentant des scènes quasi en temps réel, des tranches d’ambiances enregistrés en des lieux particuliers hors de toute présence humaine, Watson lui-même s’éloignant durant l’enregistrement, Weather Report, lui, présente en réduction des périodes de temps plus longues, quatorze heures au Kenya, quatre mois en Écosse, condensées en 18 minutes précises. Au mépris des exigences d’objectivité de l'écologie sonore, il organise des juxtapositions, favorise des coïncidences et élabore un paysage ni totalement naturel, ni réellement artificiel. On assiste alors à un moment impossible contenant, comme en miniature, comme en accéléré, l’essence du lieu, le répertoire de ses possibles.

(Benoit Deuxant)


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WATSON, Chris
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