D’abord praticien de la basse et de la guitare dans des formations rock, eRikm (de son vrai nom Éric Mathon) ressent vite le besoin de singulariser sa pratique musicale et décide de s’exprimer principalement avec des platines. Son usage expérimental de l’instrument le rapproche des pionniers Christian Marclay, Yoshihide Otomo et Martin Tétreault. Cependant, la diversification de son travail (eRikm s’investit également dans l’art vidéo et le graphisme) atteste son indépendance par rapport à ces musiciens influents. D’ailleurs, c’est essentiellement auprès d’autres artistes tels que Luc Ferrari ou Michel Doneda qu’il va rénover son approche. Le platiniste y intègre alors improvisation, recyclage (notamment avec son travail fascinant sur les Archives sauvées des eaux de Luc Ferrari) et détournement du matériau sonore et des instruments (manipulation des pointes de lecture, exploitation des défauts de lecteurs CD, etc.).
Le titre des Variations opportunistes évoque un genre que les compositeurs classiques ont porté à leur sommet (les Variations Goldberg de Bach ou les Variations Diabelli de Beethoven). D’ailleurs, eRikm a utilisé des interprétations d’œuvres de Rameau et de Stravinsky comme « objets sonores » de base. Des fragments de ces derniers ont été captés par le biais de lecteurs CD présentant des anomalies de lecture. Ces échantillons sont alors soumis à des transformations, par exemple au niveau de la vitesse et de la hauteur, avant d’être assemblés de diverses manières. Le musicien opère ainsi un réel « travail chirurgical » de dissection et de reconstruction.
Comme souvent avec la musique concrète, la distance prise avec le matériau initial génère une nouvelle poétique. eRikm privilégie ici des ambiances éthérées et des transformations sonores graduelles, ce qui rapproche par moments son esthétique de celle du minimalisme. Si elles relèvent d’un savoir-faire de laborantin, les expérimentations d’eRikm produisent une musique en mouvement. En particulier, la richesse de ses effets de matière sonore participe au succès de ce que l’artiste nomme lui-même le soundwriting.
(Alexandre Galand)