Christian MARCLAY


Christian Marclay est à la fois musicien et plasticien, mais il lui est impossible d’envisager une de ses activités séparément de l’autre. Ses sculptures, ses collages, ses vidéos, ont tous un lien direct avec la musique ou le son. Ainsi l’œuvre intitulée The Beatles (1989) est un coussin recouvert d’une taie d’oreiller faite d’une bande magnétique crochetée de tous les enregistrements du groupe. D’autres œuvres recyclent des pochettes de disques dans des collages recomposant des silhouettes, des corps, à partir de plusieurs pochettes différentes, superposant le visage de Michael Jackson au torse d’une chanteuse noire et aux jambes d’une Blanche, ou ajoutant à Jim Morrison un bras emprunté à Cat Stevens, un autre à Diana Ross, et deux jambes trouvées chez Santana. Sa vidéo Guitar Drag, elle, nous montre une guitare électrique branchée à un ampli réglé sur fort volume, tirée par un pick-up à travers les routes du Texas. La guitare se décompose progressivement, déchiquetée par les cahots, mais pousse jusqu’au bout ce qui sonne comme un hurlement de douleur. À travers la violence sonore de la pièce, Marclay a voulu offrir une réponse directe au lynchage raciste de James Byrd, assassiné de la même façon en 1998. La pièce est une protestation symbolique d’une puissance singulière.
La musique de Christian Marclay de son côté, se base également sur un aspect matériel, tactile. Elle est généralement réalisée au moyen de disques et de platines, et procède de plusieurs pratiques, puisées à la fois dans la musique d’avant-garde et dans la musique populaire. Elle peut rappeler les travaux de John Cage d’une part, comme « Imaginary Landscape » pour électrophones à vitesse variable, et constitue d’autre part une forme déviante des pratiques musicales des DJ hip-hop de son temps. Publié pour la première fois en 1988, More Encores présente ainsi les bases de ce qui deviendra plus tard le turntablism et le platinisme.

Chacune des pièces du disque est composée à partir d’enregistrements de l’artiste qui lui donne son nom. « John Cage » est par exemple construit à partir de tranches de vinyles découpés dans des œuvres de Cage, recollées pour devenir un disque unique. Les autres pièces sont basées sur la manipulation de plusieurs platines, et de plusieurs disques d’un même artiste, dont le son est mixé en un collage superposant différents morceaux tantôt de manière presque invisible, en diluant la pièce en une nouvelle continuité, comme la pièce « Maria Callas », produisant une nouvelle version, impossible à réaliser « naturellement », ou au contraire en déconstruisant avec violence la musique par des effets de scratching, de cutting, de variation de la vitesse de lecture, et ainsi en s’attaquant directement à la matière physique du disque.

(Benoit Deuxant)


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MARCLAY, Christian
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