Lionel Marchetti est compositeur de musique concrète. Tout d’abord autodidacte, il découvre ensuite le répertoire de la musique concrète avec Xavier Garcia. Il a composé au CFMI de l’Université Lyon 2 (France), entre 1989 et 2002, où il anime également des ateliers autour du haut-parleur, du son enregistré, de la musique concrète. Il a composé au GRM (Groupe de recherches musicales, Paris) depuis 1992, ainsi que dans son studio personnel. Il a également travaillé à La Muse en Circuit, à Alfortville, au Coream de Grenoble, au Collectif et Compagnies d’Annecy, au Grimm de Marseille ainsi qu’au studio Cesare de Reims. Il travaille régulièrement avec Olivier Capparos à la réalisation d’ateliers de création radiophonique (ACR) pour France Culture, depuis 1992, ainsi que sur nombre de projets liés à la voix et à son interprétation « haut-parlante ». Il travaille régulièrement, depuis 2002, avec la danseuse japonaise Yoko Higashi et poursuit parallèlement un travail d’écriture poétique, ainsi qu’une réflexion théorique sur la musique concrète et l’art du haut-parleur, en tant qu’artiste praticien du genre, poursuivant en ce sens la tradition de pensée de Pierre Schaeffer, de Michel Chion. Il a notamment écrit deux essais : La Musique concrète de Michel Chion (1998), et Haut-parleur, voix et miroir (2003).
Son travail se partage entre les grandes pièces concrètes et radiophoniques qu’il réalise en studio et les pièces plus improvisées, faisant appel à moins de moyens technologiques, et qu’il réalise généralement chez lui. Ces pièces improvisées sur un dispositif réduit de musique électro-acoustique (magnétophones à bande, micros et haut-parleurs) sont souvent prétexte à collaboration. Avec Jérôme Noetinger en duo, tout comme avec le collectif Le Cube (mélangeant images et sons travaillés en direct, rassemblant Christophe Auger, Étienne Caire, Christophe Cardoen, Xavier Quérel, Jérôme Noetinger et Gaëlle Rouard). Cette formule improvisée qui l’a vu jouer avec d’autres musiciens : le guitariste Emmanuel Petit, les bruitistes de Voice Crack, le violoniste Mathieu Werchowski, le saxophoniste Michel Doneda, etc., est l’occasion de confronter le matériel et le dispositif de création et diffusion typique de la musique concrète à d’autres formes de composition et d’interprétation.
À travers ces pièces, improvisées comme composées, Marchetti reprend à son compte l’idée de Luc Ferrari de « musique-promenade ». Cette idée exploite la notion de dérive dans un paysage, dans un extérieur chargé également d’impressions mentales. C’est notamment l’idée qui est derrière son album Kitnabudja Town, celle d’une dérive dans l’espace étroit et fermé d’une ville (imaginaire) étouffante. C’est également la même idée de « carnet de voyage sonore » qui donna Portrait d un glacier, basé sur des prises de son au glacier de Tré-la-Tête au sud-ouest du massif du Mont Blanc, en France. Une autre forme de dérive est l’usage qu’il fait de la radio, comme moyen de diffusion de ses pièces, bien sûr, mais aussi comme instrument de création et ingrédient dans ses compositions. L’usage du hasard dans l’écoute de la radio, la captation aléatoire de voix et de musiques russes, arabes, chinoises, africaines et autres, est lui aussi une manière de se perdre dans le donné du son, pour mieux s’y retrouver par la suite. Ces éléments aléatoires, sons, voix, interférences et parasites, qu’on peut entendre dans Noord Five Atlantica entre autres, sont traités comme des personnages au sein du paysage et participent à la trame dramatique de la pièce. Car les pièces de Lionel Marchetti, derrière leur aspect serein, par-delà l’aspect statique et calme des prises de son concrètes, cachent souvent un univers complexe d’histoires et d’impressions entremêlées, qui leur procurent un mouvement souterrain ainsi qu’une tension narrative qui ne demande qu’à éclater.
(Benoît Deuxant)