Disinformation est le nom utilisé par le musicien et plasticien Joe Banks depuis 1995. Ses premières interventions publiques, relayées par l’excellent label Ash International, département « pointu » du label Touch, présentaient une approche mêlant sérieux scientifique et exultation dans le bruit, qui était un trait commun aux productions du label. Entamée avec Scanner, cofondateur du label, et ses conversations téléphoniques volées, puis avec des artistes comme le Hafler Trio, Bruce Gilbert ou Carl Michael von Hausswolff, cette série de productions possédaient toutes un caractère avant-gardiste audacieux associant la musique la plus radicale aux concepts les plus pertinents, mais aussi les plus tortueux. Véritable entreprise de valorisation du bruit sous toutes ses formes, elles comportaient également un aspect important de recherche et de conceptualisation dans les moyens d’obtenir, de produire ou de découvrir ces sons, ce bruit.
Joe Banks a créé son projet Disinformation pour rassembler et présenter le résultat de ses recherches sur les sons électromagnétiques produits par des sources aussi diverses que l’éclairage, l’alimentation électrique, les appareillages électroniques domestiques comme industriels, mais aussi les éclairs ou le rayonnement solaire. Ces sons, plus souvent captés au moyen d’instruments scientifiques que par des méthodes traditionnelles de prise de son, sont ensuite présentés, soit tels quels, dans leur rudesse et leur brutalité d’origine, soit mixés sous forme de DJ-sets ou d’installation sonore. La série de disques intitulée R&D (Recherche et Développement) reprend ses expérimentations sur des phénomènes naturels comme les perturbations électriques et magnétiques de l’atmosphère par la foudre durant les tempêtes, les interférences dans le chant magnétique terrestre causées par les vents et tempêtes stellaires, les éruptions solaires ou les aurores polaires.
Complexes et bruts à la fois, les travaux de Banks sont autant des réhabilitations dans un contexte artistique de sons extramusicaux, que des réflexions sur la nature du bruit et de sa perception. Ils sont à mi-chemin des productions noise contemporaines de la génération Merzbow, et des recherches ésotériques du Hafler Trio. Un même désir de sortir du cadre de la musique de son temps par la découverte d’autres territoires musicaux et artistiques, et une volonté de contrer la tentation de l’art pour l’art par un discours critique, et scientifiquement fondé, sur le son et son interprétation par les sens et le jugement. Joe Banks se produit aujourd’hui presque exclusivement dans des galeries d’art et des musées, et publie une partie de ses travaux chez l’éditeur universitaire américain MIT Press. Ces travaux, comprenant enregistrements, installations sonores et documentation, poursuivent diverses pistes montrant la manière dont le cerveau décode des informations psycho-acoustiques sous une forme esthétique (l’installation « The Analysis Of Beauty ») ou sous forme d’illusions sémantiques (« Rorschach Audio »).
(Benoit Deuxant)