Herbert DISTEL

  • RAILNOTES: DIE REISE / LA STAZIONE (UD6041) écouter

Surtout connu pour son fameux Musée en tiroirs (1970-1977) (un meuble contenant cinq cents petits compartiments et autant d’œuvres d’art originales des années 1960-1970, de John Cage à Pablo Picasso), le Suisse Herbert Distel s’est illustré dans la composition de pièces radiophoniques ayant le chemin de fer comme point d’articulation : Die Reise en 1984 et La Stazione en 1987-1990.

L’enregistrement d’un train en route entre Zürich et Berne constitue le matériau de base de Die Reise. Si la référence à Pierre Schaeffer et à son Étude aux chemins de fer (1948) paraît évidente, une écoute attentive montre que le projet de Distel est tout autre que celui du pionnier de la musique concrète. Tandis que ce dernier a démontré la beauté d’un bruit de train en l’échantillonnant et en l’isolant de son contexte, Distel a élaboré une œuvre dédiée à l’essence du voyage, qu’il soit géographique ou intérieur. Dans ce but, l’artiste a savamment monté plusieurs fragments afin de donner l’impression d’un train roulant sans fin. La rythmique ainsi créée, basée sur une répétition hypnotique, évoque le minimalisme d’un Philip Glass ou d’un Steve Reich (qui composera d’ailleurs Different Trains en 1988).

En plus du frottement des roues sur les rails, Herbert Distel a intégré différents éléments : des voix lointaines ou le chant de cigales. Ce contrepoint d’essence naturelle complète à merveille le phénomène sonore industriel, tant et si bien qu’à un moment, la confusion peut s’instaurer quant à l’identification de chacun des bruits. Les rengaines des insectes ne seraient-elles pas des productions électroniques ? Le vacarme du train n’acquiert-il pas des qualités sensuelles et telluriques ? Ce trouble survient grâce à la façon magistrale dont Herbert Distel parvient à troubler la perception du temps de son auditeur.

Cette délicieuse perturbation est renforcée par le basculement progressif de la musique vers quelque chose de plus abstrait, de plus éthéré. Petit à petit, le chemin de fer s’éloigne au profit d’effets électroniques ouatés et délicats qui mènent l’œuvre vers un climat plus onirique. C’est ainsi que le voyage s’intériorise et devient une rêverie propre à chacun des destinataires de l’artiste.

Pour plus d’informations, voir les notes du livret de Railnotes (Hat Hut, 2003) par Peter Niklas Wilson.

(Alexandre Galand)


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DISTEL, Herbert
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