Phill NIBLOCK

  • MOVEMENT OF PEOPLE WORKING (THE) - PHILL NIBLOCK - DVD (TW5695)

Depuis les années 1960, Phill Niblock s’investit dans la création de pièces sonores caractérisées par la réduction du matériau et de la forme, s’apparentant ainsi au courant minimaliste. Par rapport à d’autres compositeurs emblématiques de cette tendance, Steve Reich ou Terry Riley par exemple, sa démarche se différencie par une réelle recherche de négation du rythme, de la mélodie et de la progression harmonique. Le compositeur favorise l’usage de drones créés par l’enregistrement et le traitement d’instruments acoustiques (cordes sur le récent Touch Strings, vielle à roue dans Hurdy Hurry, etc.). Ces blocs sonores monolithiques, dont seul un fort volume permet de restituer toutes les richesses de timbre et de texture, se développent essentiellement sur une longue durée, condition sine qua non de l’hypnose.

Certaines de ces musiques sont utilisées pour accompagner les propres réalisations cinématographiques de Phill Niblock. Parmi celles-ci, les films en 16 mm de The Movement of People Working ont été tournés durant les années 1970 et le début des années 1980 : Sur Dos au Pérou Trabajanda Una, Sur Una et Trabajando Dos au Mexique en 1973-1974, Hong Kong en 1978 et Hungary en 1983. Tous montrent des activités manuelles, agraires et artisanales principalement. Ces gestes précis sont parfois cadrés au plus près : seules les mains besogneuses occupent alors tout l’espace. Plus loin, ce sont plusieurs travailleurs à la fois qui sont envisagés. Le cinéaste enregistre sans intervenir, sans interroger : sa présence ne suscite aucune réaction.

En effet, le propos de Niblock relève plus de la poésie et de la sensualité que d’un quelconque discours sur l’aliénation du travail ou d’une captation du quotidien de peuples divers dans une optique documentaire. Leur qualité prépondérante est avant tout liée à leur interaction avec la musique. Les impressionnantes architectures acoustiques construites par Niblock correspondent parfaitement à cette réitération inexorable des gestes. Le mouvement humain, comme n’importe laquelle des compositions du musicien, ne semble avoir ni début, ni fin. Ce rapport au temps introduit l’auditeur à un monde presque effrayant tant il paraît imperméable à l’accident, à l’éphémère.

Dernière ressemblance, le soin apporté au rendu des couleurs et au grain de l’image n’est pas sans rappeler la richesse de texture de la musique. Dans les deux aspects de son travail, l’artiste se révèle davantage plasticien que théoricien, il favorise ainsi une démarche abstraite suscitant un renouvellement de la perception du spectateur. Notre oreille peut s’ouvrir aux infimes variations d’un drone, comme notre compréhension à la beauté fascinante de gestes mécaniques a priori identiques.

(Alexandre Galand)


Artists

NIBLOCK, Phill
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