Figure culte des musiques électroniques, Bernard Parmegiani a construit une œuvre protéiforme et singulière, placée sous le signe de la recherche électroacoustique. Sa formation de preneur de son lui permet d’intégrer le Groupe de recherches musicales à la fin des années 1950 grâce à l’intervention de Pierre Schaeffer. Outre des œuvres de concert, rassemblées dans ce coffret unique de 12 CD, Parmegiani a également écrit de nombreuses pièces pour le cinéma, la vidéo, le théâtre ou la télévision.
S’il déclare ne pas avoir subi de véritables influences musicales, Parmegiani avoue sa fascination pour les photomontages surréalistes, qu’il a un temps pratiqués. Découpage, choix d’un répertoire d’éléments et assemblage sont des démarches successives également à la base de sa travail de compositeur. Ce sont également des philosophes qui ont imprimé leur marque sur son travail, Gaston Bachelard et Clément Rosset par exemple. La rhétorique employée pour les titres atteste ainsi d’un intérêt marqué pour des thèmes cosmogoniques ( La Création du monde, 1984), pour la nature du temps et de l’espace ( Trilogie Plain-temps, 1991-1993, Dedans-dehors, 1977) et pour les propriétés du son ( De Natura Sonorum, 1975, Des mots et des sons, 1977).
Préoccupé depuis des décennies par le renouvellement de son propre langage, Parmegiani empêche toute caractérisation simpliste de son œuvre. Certains traits sont toutefois récurrents. Ses compositions donnent souvent une impression de mouvement, notamment par le biais d’effets donnant au son une réelle spatialité. Le côté visuel qui en découle (son art a souvent été comparé aux réalisations de l’ Optical Art) est renforcé par l’usage de sonorités aux couleurs chaudes et aux textures vibrantes. L’utilisation de structures basées sur la répétition ou la symétrie en fait un des musiciens électroacoustiques les plus faciles d’accès. C’est ainsi que dans La Roue Ferris (1971), une ritournelle obsédante cherche à capturer un « instant perpétuel » : les notions de début et de fin y sont abolies au profit d’une danse envoûtante.
Le son de Parmegiani a souvent été défini comme étant « organique ». Il explique lui-même : « S’il me faut essayer de définir […] le son Parmegiani, c’est une certaine mobilité, une certaine couleur, une manière de commencer et de faire mourir le son, donc de le faire vivre. Car je considère le son comme un être vivant. Il y a donc bien de l’organique, de l’épidermique… » Que celui qui en douterait se plonge dans les fascinants méandres de son adaptation de l’ Enfer de Dante (1971-1972), première partie du triptyque complété par le Purgatoire (composé par François Bayle) et le Paradis (écrit par les deux compositeurs).
Pour certaines pièces, une intention ludique se fait nettement sentir. La pratique du recyclage qu’il a héritée des premiers « concrets » l’amène, dans Pop’eclectic (1969) et Du pop à l’âne (1969) à faire se télescoper Messiaen, Stravinsky, Pink Floyd ou The Doors dans un cocktail explosif et jubilatoire qui doit encore faire pâlir certains des plus audacieux praticiens du sampling.
(Alexandre Galand)