WHITEHOUSE


Listen to the master, how you like that… !
Feel the pain, the pleasure…!

Les artistes qui ont marqué la musique industrielle des années 1980 ont tous d’une manière ou d’une autre courtisé la controverse et le scandale. Whitehouse ne fait pas exception, on pourrait même dire que la provocation, toutes directions confondues, est une part intégrante de l’œuvre du groupe. Sa musique est outrée, bruitiste à l’extrême, réduite à quelques sonorités douloureuses, agressives, arrachées de force à un matériel rudimentaire : deux synthétiseurs, un générateur de fréquences, quelques effets. Elle entraînera, malgré son minimalisme radical, une armée d’épigones, et servira d’étalon à ce qu’on appellera le Power Electronics. Mais c’est l’emballage conceptuel de cette musique qui suscitera le plus de réactions, générant des demandes très sérieuses d’autodafé, de censure, et de poursuites judiciaires à l’encontre de ses auteurs.

Outre la musique donc, il y a le reste, les textes, que William Bennett hurle d’une manière malsaine et hystérique qui rappelle Antonin Artaud, mais se résument souvent à un mélanges d’ordres et d’insultes, et surtout il y a les détails cachés dans les titres et les pochettes des disques. Ces détails, qui attisent l’imagination bien mieux qu’un discours explicite, ont été pensés de toutes pièces pour encourager le fouineur, qu’il soit favorable au groupe ou détracteur cherchant des preuves de tout ce dont on les a accusés : fascisme, pédophilie, machisme, obscénité, sadisme, etc. Il n’a généralement pas loin à creuser pour déterrer, par exemple, leur tradition de dédicacer des morceaux aux plus grands tueurs en série de l’histoire : Albert Henry DeSalvo, plus connu sous le nom de « l’Étrangleur de Boston » , Peter Kürten (« le Vampire de Düsseldorf », qui inspira Fritz Lang pour son film M le maudit) ou encore Dennis Nilsen qu’on surnommait « l’Étrangleur à la cravate ». Ils peuvent aussi souligner l’imagerie sexuelle perverse des disques qui les ont fait considérer comme des incitations au viol, ou des apologies de la pédophilie.

Mais la vérité est sans doute à trouver ailleurs, au-delà de l’agression gratuite, de l’exhortation à la violence et du désir de choquer à tout prix. Il y a chez Whitehouse une obsession récurrente dont le maître mot est une fascination pathologique, morbide, pour l’asservissement sous toutes ses formes, pour la violence du pouvoir, pour la perversion de la puissance. C’est en somme à un jeu malsain que se livre le groupe, prétendant combattre la haine, les dérives totalitaires, l’oppression, avec leurs propres armes, projetant tel un miroir à peine déformant les pires excès de l’autre, et révélant chez les spectateurs la part la plus sombre de leur âme, leur désirs les plus sordides de contrôle et de domination. Formation antimusique, confrontationnelle à l’extrême, autodestructrice, arrogante et méprisante, Whitehouse a choisi une voie sans retour en arrière possible, et ne peut qu’aller toujours plus loin. Leur radicalisme, leur fondamentalisme les poussent irrémédiablement à jouer jusqu’au bout ce jeu dangereux, et c’est ce qui rend le groupe purement fascinant.

Benoit Deuxant



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