La création du célèbre In C de Terry Riley en 1964 est un moment charnière pour la musique américaine car elle marque la naissance du courant minimaliste. Dans son sillage, Steve Reich ou encore Philip Glass vont élaborer des œuvres foisonnantes marquées par l’idée de cycle et de répétition. L’invention extraordinaire de Riley n’est pas née de rien. Il y a d’abord La Monte Young, qui introduit de nouvelles conceptions temporelles de la musique. Il y a aussi le jazz modal, notamment de John Coltrane, qui induit une plus grande liberté d’improvisation et surtout, il y a la musique orientale que le maître indien Pandit Prân Nath enseignera à Riley durant de longues années.
Si l’œuvre de Terry Riley possède des points communs avec celles de Reich et Glass, elle s’en détache par une latitude et une liberté d’expression plus grandes pour l’interprète. La partition n’est pas un canevas coercitif et définitif, elle est là pour donner l’impulsion, avec des règles précises certes, mais elle sous-tend une lecture créative de l’artiste. C’est notamment pour cette raison que Riley s’investira souvent dans la création de ses œuvres. Une autre particularité de ces dernières est leur relative accessibilité. Cette simplification du langage (Riley a également étudié l’atonalité d’Arnold Schönberg) n’est pas synonyme d’affadissement. Elle correspond à une double volonté de Terry Riley : faire en sorte que l’auditeur se concentre sur le son et essayer de composer un langage universel qui abolisse les frontières entre musiques savante et populaire, orientale et occidentale.
L’idée des Keyboard Studies 1 & 2 est basée sur le principe de répétition continue. Chacune des deux mains réitère un motif d’une durée différente et peut passer d’un module, déterminé au préalable, à l’autre lorsque le claviériste le décide. La combinaison de ce double jeu produit des suites de notes inattendues et propres à chaque interprétation. Le continuum sonore ainsi élaboré jouit d’une grande richesse mélodique. Par ailleurs, il donne l’impression de couler de source. Avec la disponibilité d’écoute qu’induit forcément la répétition, ces particularités contribuent à une grande sensation de joie et d’exaltation, sentiments récurrents chez l’auditeur de Terry Riley.
(Alexandre Galand)