Stuart DEMPSTER

  • UNDERGROUND OVERLAYS FROM THE CISTERN CHAPEL (XD359C) écouter



Originaire de Berkeley où il voit le jour en 1936, Stuart Dempster trouve dans l’état de San Francisco l’humus idéal pour l’approche fondamentale qu’il développera en tant que compositeur, praticien et même théoricien du trombone. Après son étude de la pratique instrumentale et de la composition au State College de San Francisco, il se retrouve en effet, dès 1960 et jusque 1966, professeur-assistant au California State College de Hayward et instructeur au conservatoire de San Francisco. Il deviendra surtout membre du Performing Group au Mills College où, toujours à la pointe de l’avant-garde, la section musicale ne cessera d’accueillir des personnalités-clés de la musique du XXème siècle comme John Cage (en 1938), Anthony Braxton (en 1970), Don Buchla (en 1970), Terry Riley (en 1970) et bien d’autres. Luciano Berio, en l’occurrence, y enseignera de 1962 à 1964, en même temps que Stuart Dempster pour lequel il composera, en 1965, la Sequenza V pour trombone. C’est à cette époque également que le « San Francisco Tape Music Center » vient s’installer au Mills College avec, comme nouvelle directrice, l’amie et future collaboratrice de Dempster, Pauline Oliveros. Devenu entretemps tromboniste principal de la « Oakland Symphony », Dempster enseignera dès 1968 à l’Université de Washington et poursuivra une carrière de soliste international, enchaînant les récompenses et les distinctions universitaires ; en Australie, où il recevra le titre de « Fullbright Scholar », il approfondira l’étude et la technique du didgeridoo, s’affirmant ensuite comme un pionnier de l’instrument sur le territoire américain. En 1979, il publie « The Modern Trombone: a Definition of Its Idioms” où il décrit les ressources cachées et les capacités d’expression de l’instrument en dehors de l’orchestre où il était confiné auparavant. Depuis « Solo for Sliding Trombone » de Cage (1857-58), première œuvre indéterminée pour trombone où les sons inédits proviennent de l’instrument désassemblé en interaction avec la sourdine jusqu’à la technique dite « multiphonique » (la voix et l’instrument se combinent), Dempster y réunit la somme de son expérience et donne un éclairage incontournable sur l’évolution de la pratique du trombone après la guerre, et sur le concept de « nouvelle virtuosité » mettant davantage en valeur la créativité de l’interprète.

« Underground Overlays from the Cistern Chapel » fut commandité en 1993 par le « Meet The Composer’s Composer/Choreographer Project » dans le cadre d’une collaboration avec Merce Cunningham. Stuart Dempster et un groupe d’étudiants, anciens et nouveaux, vont exploiter, dans une séance collective d’improvisation, la capacité exceptionnelle de résonance (45’’) d’une immense citerne désaffectée située non loin de Seattle et dont la capacité volumique dépasse les 7 millions de litres. Dempster connait bien le lieu pour y donner fréquemment des masterclasses et aussi pour y avoir effectué déjà plusieurs enregistrements avec le « Deep Listening Band ». Ce dernier, fondé en 1981, aura pour noyau de base Pauline Oliveros (accordéon, électronique), Stuart Dempster (trombone, didgeridoo, David Gamber (voix) (qui remplacera Panaiotis en 1990) sera constamment à la recherche de lieux résonnants exceptionnels. Il réalisera dans la Cistern Chapel deux enregistrements dont Dempster sera le producteur: « Deep Listening » en 1989, « The Ready Made Boomerang » en 1992.

« Underground Overlays from the Cistern Chapel» s’inscrit dans le même esprit d’écoute méditative où la perception des harmoniques, entre autres, tient un rôle déterminant. La réceptivité profonde, induite par la réverbération, n’isole plus les sons, les lieux, les êtres de leurs contextes et abolit la dichotomie entre les espaces intérieur et extérieur. Libérés du linéaire, du discursif, les intervenants sont invités à se connecter par l’intériorité tout en interagissant sur les sonorités que l’architecture des lieux réinvente, tel un immense instrument de musique. La superposition (overlays) de drones hypnotiques générant une atmosphère de communion irrésistible (d’où le surnom de Cistern Chapel) repose ici sur un instrumentarium de dix trombones, conques, cymbales tibétaines, un didgeridoo et aussi la voix humaine. Dempster fait chanter l’espace en disposant les trombonistes en cercle et en leur jouant à chacun un thème qu’ils reprennent jusqu’au prochain passage. Cette rotation des sons à la fois lente et lancinante que l’on croirait sortie d’un synthétiseur et le traitement individuel des musiciens renvoient au concept de « sound massage parlor » que Dempster développe actuellement au travers de sessions musico-thérapeutiques où l’humour et le sérieux sont également appelés à conjuguer leurs effets.


Jacques Ledune



(1995) MEDIAQUEST

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DEMPSTER, Stuart
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