BOMONSTRE


Bomonstre est un quartet de trombonistes qui durant une année a réalisé des interventions sonores sur site dans la région montagneuse du Haut-Jura en France. Principalement axé autour d’un langage discursif improvisé, soufflades et glissandi, le but de l’entreprise de ces musiciens fut d’interagir avec l’environnement au fil de leurs ballades. Quelques interventions furent programmées avec un public mais la plupart s’effectuèrent dans un esprit de pérégrination aléatoire jouant des rencontres fortuites (promeneurs, colonie de scouts, oiseaux…) et des aléas de circonstances (vent, pluie, forêt…). Cette démarche nous rappelle une expérience du même ordre, réalisée en 1977 par le duo Peter Brötzmanne/Han Bennink, improvisant dans la forêt noire en Allemagne (sur le disque Schwarzwaldfahrt).

Les performances du quartet sont captées par les micros de Boris Jollivet qui effectue une prise de son remarquable. S’en dégage l’amplitude des lieux, comme sur cette captation qui s’est effectuée à 500m de distance entre micros et musiciens (!), à la façon traditionnelle des cors des alpes, où les musiciens se répondent d’un côté à l’autre de la vallée. À l’inverse il y a le confinement rendu par une autre captation, au plus près d’un « In a sentimental mood » (Duke Ellington) exécuté en immersion sur les berges d’un lac. On retiendra encore le jeu avec blocs de glace rebondissant sur un lac gelé, créant des textures sonores proches de sons électroniques, ou encore le brouhaha d’un flux de bovins (cloches et piétinements) sur le chemin de transhumance où les souffleurs, postés aux alentours, s’époumonent en reprenant un standard du free-jazz, « bells » (Albert Ayler)…

Le livret détaille le contexte de chaque captation, au fil des saisons, mais presque paradoxalement, et ce malgré la précision des informations, l’audition nous plonge dans la vie sonore secrète et intrinsèque des cycles immuables de la vie, auxquels le jeu des musicien fit écho. « Durant l’année 2009, armés de nos trombones et de matériel de captation du son, nous avons arpenté des sites sonores naturels spécifiques au Haut-Jura. Au fil des saisons, cherchant ou provoquant des situations d’enregistrement insolites qui invitent à l’invention, nous avons déroulé nos improvisations accordées aux échos géologiques, aux rumeurs animales et aux activités humaines, ainsi qu’aux circonstances climatiques ».

Sur le 3ème CD, Lionel Marchetti effectue un montage audio à partir des rushs enregistrés, y ajoute quelques interventions live (voix, saxophone), dans un esprit « musique concrète » qui n’est pas sans rappeler les expériences de « musique promenade » de Luc Ferrari.

L’esprit global est jovial et ludique, créant surprise et enthousiasme. Un bon bol d’air frais !

(Bertrand Backeland)



(2009-2010) MEDIAQUEST

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